Commentaires sur le livre A Rebel Life - Mary Gabriel
La carrière de Madonna Louise Ciconne, que l’on connaît tous maintenant simplement comme Madonna a débuté officiellement avec l’enregistrement et le lancement de « Everybody » en octobre 1982. C’est donc 40 ans de carrière que Madonna a fêté l’an passé.
Mais avant de se lancer dans la biographie de Mary Gabriel, commençons avec quelques chiffres :
14 albums studio
3 bandes originales de film
6 albums « live »
7 albums « compilations »
11 tournées
11,672,443 de billets de concert selon le site Pollstar (2022)
27 films dont 22 à titre d’actrice, 10 courts-métrages, et 3 pièces de théâtre.
78 clips de musique, 11 videos « en concert », et deux documentaires.
Si Michael Jackson fût le King of Pop, Madonna est incontestablement la Queen of Pop!
C’est pourquoi la biographie de Madonna fait 880 pages!
Le livre est divisé en 6 parties, qui correspondent à des étapes importantes dans la vie de Madonna. Chaque partie a plus ou moins 10 chapitres, quand même assez courts, qui facilite la lecture. La biographie est de facture assez classique, linéaire et chronologique. Elle débute donc à Pontiac, au Michigan où Madonna a grandit. Ce premier chapitre est assez classique, mais un fait marque l’histoire: Madonna perd sa mère à l’âge de 5 ans. Étant la plus vieille des filles de la fratrie, elle a sûrement dû apprendre à être indépendante assez jeune. On verra au courant de sa vie le besoin d’être bien entourée, d’avoir son clan, sa famille.
La deuxième partie, à mon avis la meilleure du livre, débute lorsqu’à 19 ans, elle décide de partir à New York contre l’avis de son père « si tu abandonnes l’école, tu n’es plus ma fille », « D’accord, mais quand je serai connue à travers le monde, serais-je à nouveau ta fille? », « On verra! ».
Elle débarque à La Guardia avec 35$ en poche (l’équivalent de 140$ aujourd’hui). Elle demande au chauffeur de taxi « amène moi au milieu de tout ». Il l’a donc conduite à Times Square. On s’entend, Times Square et New York en 1979 n’avait rien à voir avec le New York d’aujourd’hui. En se promenant sur le trottoir avec une grosse valise et son manteau d’hiver sous le bras façon Desperately Seeking Susan, elle croise un homme qui lui demande ce qu’elle fait se promener comme ça: « je n’ai nul part où dormir ». Il l’invite à dormir chez lui. Elle accepte. Tout se passe bien. Elle dira plus tard qu’elle avait une bonne étoile. Lucky Star!
Cette anecdote démontre bien, oui l’insouciance d’une jeune fille, mais surtout sa détermination. Madonna était prête à se mettre en danger s’il le fallait afin de réaliser son rêve, être une méga-vedette.
À cette époque-là , elle ne sait toujours pas si elle veut faire du cinéma, de la chanson, ou de la danse. Elle suit des cours de danse et des cours de jeu. Elle veut être vue, entendue. Elle finira par faire les trois.
De rencontres en rencontres, Madonna se fraie un chemin dans le monde de la musique et de la danse.
Une chose est très claire à la lecture du livre, Madonna a le don de saisir les opportunités en s’acoquinant, et plus tard, en travaillant avec les bonnes personnes. Par contre, une fois que ladite personne a comblé son besoin, elle s’en sépare sans scrupules, ou, elles collaboreront très longtemps. Madonna est très très fidèle à ses collaborateurs. Mais rien ni personne va se mettre sur son chemin. Par exemple, Madonna fréquente Jean-Michel Basquiat pendant un certain temps, mais elle le laisse car elle ne tolère pas que quelqu’un avec autant de talent bousille ce talent par la consommation de drogues. Nul part dans le livre y a t-il mention d’abus de drogues ou d’alcool par Madonna.
Je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec la l’autobiographie de John Lurie - The History of Bones, dont la période new-yorkaise se déroule approximativement à la même époque que Madonna, ils fréquentent les mêmes personnes (Basquiat, Warhol, etc…), certains des mêmes endroits (CBGB’S) - quoique Lurie n’est probablement pas été dans les discothèques que fréquentaient Madonna. La différence est que Lurie était dans ce que j’appelle ici la « Heroin Community » tandis que Madonna carburait au high que la danse lui procurait. Elle était 100% dédiée à sa carrière. Aucun compromis. Aucune déviation de l’objectif visé. Selon le livre, Madonna ne consommait que très peu de drogues, parfois de l’herbe, c’est tout.
Certains diront de Madonna qu’elle est une opportuniste, qu’elle a profité des gens pour faire avancer sa carrière. La biographe dit de Madonna qu’elle était plutôt une visionnaire. Elle avait une capacité indéniable à reconnaître le talent chez les gens, travailler avec eux, et savoir identifier les différents courants artistiques avant leur éclosion. Elle était tel un surfeur qui savait reconnaître la bonne vague au loin avant tous les autres surfeurs.
À la lecture de la biographie on ne peut que s’incliner devant le militantisme de Madonna que ce soit pour les causes reliées à la communauté LGBTQ+, notamment la lutte contre le SIDA et contre l’église. Elle s’est aussi beaucoup impliqué au Malawi notamment pour l’éducation des filles et par la construction d’écoles. Elle a aussi été un modèle pour l’émancipation de la femme à travers toutes les différentes périodes de sa vie: jeune adulte, femme mature et mère, et maintenant comme femme d’âge mur.
Le cynique en moi ne peut s’empêcher de penser que Madonna a utilisé les différentes causes pour faire avancer sa propre carrière. On parlait d’opportunisme, c’est donc probablement vrai en partie. Par contre, tel une Sinead O’Connor, elle a souvent mis sa carrière en danger en se mettant à dos tout ce qui compte de conservatismes aux États-Unis notamment la presse qui n’a pas toujours été tendre à son endroit. Elle s’est toujours battu tel une Michigan gal. Aussi, à ce titre, on ne peut que respecter, appelons ça de l’acharnement, à vouloir une carrière dans le cinéma. Encore là , elle a frappé mur après mur de mauvaises critiques - la plupart du temps méritées - mais cela ne l’a pas empêché de continuer et de finalement être reconnue comme une bonne comédienne pour sa prestation de Eva Peron dans le film Evita.
Le livre m’a donné envie de reconnecter avec l’oeuvre de Madonna, ses plus récents albums (Rebel Heart, Madame X), mais aussi et surtout l’oeuvre cinématographique relié à sa musique, c’est-à -dire les vidéos qui sont de véritables chefs-d’oeuvres et les documentaires de tournées qui étaient des spectacles-événements dignes des plus grandes productions hollywoodienne.
Le seul défaut que je trouve à ce livre est sa longueur. 880 pages de Madonna. C’est beaucoup de temps consacré à une seule personne. Mais le travail de Mary Gabriel est impeccable. Le rythme est bon, il n’y a jamais de longueur dans le texte. Elle est objective quoique je soupçonne une grande admiration pour son sujet. Il y a très peu de potins mis à part pour appuyer la véracité d’un événement. Tout tout tout est documenté avec références à l’appui. Rien à redire sur son travail. Les adorateurs vont adorer, les amoureux ordinaires comme moi vont beaucoup aimer.
Suite à la lecture de cette biographie, je ne peux que m’incliner devant cette grande dame de la musique pop malgré ce que l’on pourrait qualifier « d’écart de conduite » ses derniers temps. Mais peut-être qu’encore une fois, Madonna saura faire taire ses critiques. Une chose est sûre, je ne parierais jamais contre Madonna. Respect!
Madonna A Rebel Life
Mary Gabriel
Little, Brown and Company
Sortie 10 octobre 2023
48$
Madonna: Bitch I'm Madonna
L’ouvrage de Prud’Homme-Rhéault est d’un tout autre acabit. Disons d’emblée, c’est un mémoire de maîtrise. C'est une rupture de ton sans équivoque avec l'oeuvre de Gabriel. Je le classerais dans la catégories des livres académiques. Lorsque quelqu’un me demande conseils pour un cadeau à la librairie, la première question est: est-ce un « bon » lecteur. Cet ouvrage entrerait dans la catégorie des livres pour « bon lecteur ». Ceci étant dit il est tout à fait digeste. Il exige un certain niveau d’attention certes, mais c’est un ouvrage extraordinaire (au sens qu’il y en a pas d’autres comme celui-là sur Madonna à tout le moins) et un très bon complément à la biographie écrite par Mary Gabriel.
Le livre se concentre sur deux périodes/activités différentes: la tournée MDNA en 2012 et le Secret Project Revolution en 2013. Deux trucs que je ne connaissais pas du tout. Ma culture Madonna s’est plus ou moins arrêtée en 1998 avec l’album Ray of Light. Alors si vous êtes comme moi, vous en apprendrez beaucoup dans ce petit essai de 174 pages. Par contre si vous êtes comme moi, il y a des références qui vous échapperont un peu (mais absolument rien ne vous empêche de faire des recherches ensuite). Pour l’apprécier à sa pleine valeur, on doit posséder certaines clés de sociologie et une culture générale un peu plus pointues.
Il vous donnera une lumière complètement différente de Madonna qu’elle même à mon avis ne soupçonne même pas. L’analyse socio-comportementale est très poussée et à mon avis cerne très bien le personnage qu’est Madonna.
Ceci dit, j’ai adoré cet essai. C’est court mais touffu. Ça pousse notre réflexion et ça masse notre matière grise. C’est intellectuel mais un intello qui baigne dans une culture pop. C’est érudit et accessible. C’est un livre qui vous lirez tranquillement à écouter, non pas du Madonna - contrairement à la bio de Gabriel - mais, je ne sais pas, Mozart?
Madonna - Le Déclin Orchestré
Lucas Prud’Homme Rhéault
Groupe Nota Bene
25,95$
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