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Vanille - La Clairière - ou comment faire fi des modes (et réussir).

Writer's picture: Joss TellierJoss Tellier

Updated: Aug 31, 2023


J’ai vraiment adoré le premier album de Rachel Leblanc (qui œuvre sous

le pseudonyme de Vanille), Soleil ‘96, réalisé par Emmanuel Éthier. Tout

était là pour me charmer : mélodies fortes, performances de band super

inspirées, et surtout la voix aérienne et envoûtante de Rachel. Elle

possède une qualité trop rare à mes yeux : une absence presque totale

de vibrato, ce qui requiert une confiance et une justesse implacable.

D’autres exemples récents d’une pareille voix au Québec ne me viennent tout simplement pas à l’esprit.


J’étais donc plus que prêt à recevoir son deuxième disque, La Clairière,

(réalisé par Rachel avec Alexandre Martel) du moins je le croyais - mais

il s’y opère un tel virage stylistique qu’à prime abord j’aurais pu ne pas

m’y retrouver : exit la pop francaise psychédélique de son premier opus;

ici il y a surtout des pièces sans batterie ni basse, l’instrumentation flirte

avec le médiéval (flûte traversière, guitare classique, beaucoup de 12-

cordes, Mini Moog comme instrument lead, voix plus à l’avant du mix et

toujours sans vibrato...) on a affaire à une artiste qui n’a pas fait son

deuxième disque pour en remettre sur l’image déjà projetée par son

premier : l’indépendance artistique de Vanille ne saurait être

questionnée, et le mot clé ici est intégrité.


Le premier extrait, Mon petit chemin, un bijou de pop en apparence

léger, ne vend pas entièrement la mèche. L’orchestration est axée sur la

formation classique batterie-basse-guitares-claviers, assez French pop

des années soixante (avec un hook irrésistible) et la voix est plongée

dans une réverbération chaude et vaste; comme on s’y attendait en

quelque sorte. Mais le reste de l’album et truffé de grâces lyriques et

intimistes, les textes d’apparence simples sont des perles de sagesse

subtile. Sur la pièce Anna, elle chante à celle qui semble être une amie

subissant de la violence domestique : “Anna, tu as les yeux rougis (...) Tu

ne dois rien à personne”. Simple mais tellement vrai - la violence subie

ne devrait jamais nous placer dans l’obligation d’en garder le secret - et

le tout livré avec une douceur qui fait monter le cœur au bord des

lèvres. Ou encore, dans Par-delà les monts: “je sens sous le rocher des

millénaires d’existence, et dans mon cœur c’est une fête”, couplet qui


évoque l’acceptation heureuse de l’éternité du temps et la force de la

nature par rapport à la fugacité de la vie humaine. La pièce Quand la

neige tombe, qui conclut l’album, est une longue montée

merveilleusement réussie. En prime, pour les geeks, on réalise que ce

qui nous apparaissaît comme le downbeat (le premier accord de

guitare) est en fait une levée - et l’effet de surprise que crée la basse

(fournie par Christophe Charest-Latif) et les percussions à leur entrée

procure un vertige étonnant (et voilà pour la finesse, au sens que l’on y

donnait chez Stereolab il y à quelques années). Ce qui m’a également

beaucoup plu est la richesse harmonique des compositions. Les

arrangements de guitare rappellent le travail de certains grands

guitaristes comme Ralph Towner, Bert Jansch et John Renbourn; il est

assez rare de rencontrer des sonoritiés si profondes chez une artiste

aussi jeune. On peut parler chez Vanille d’une vieille âme sage qui

s’exprime; je le crois. Et cette sagesse arrive comme un baume pour

l’auditeur, bombardé qu’il est dans cette époque de musique formatée et

autres collages sur Pro-Tools, étrangers à toute forme d’artisanat. La

laine est plus douce que le polyester, pourrait-on dire. Plus chaude ?

Certainement.

Vanille propose un antidote à la facilité (j’allais écrire : à l’autotune) et

est une artiste inspirante dont la carrière promet d’être intéressante à

suivre. L’intégrité est plus que jamais précieuse de nos jours et c’est

avec plaisir que je vous recommande de découvrir sa musique un peu

(beaucoup) en dehors des modes. Idéalement sur vinyle, mais

obligatoirement avec du temps et du silence. Elle le mérite. Et ce sera

vous qui y gagnerez, soit en sagesse, soit en rêverie. Il n’en tient qu’à

vous de vous y arrêter. Et qui donc ne s’attarderait pas dans une

clairière, par une journée lumineuse et douce ?


-Joss Tellier



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